“Souvenirs d’Hervé” – Duo

Avant de lire cette troisième partie, je vous conseille de lire :

la présentation du projet et la première partie ici >

La seconde partie ici >

Partie 3

Je m’habitue… non, je tolère.

Certains matins, je reste nu, allongé sur mon lit. Je calme le plus possible ma respiration et j’écoute.

J’écoute l’intérieur de mon corps. J’essaye de ressentir ce virus qui poursuit sa vie à l’intérieur de la mienne en la détruisant. Mais je ne sens rien. C’est invisible, impalpable et je ne sais pas contre qui je me bats. Contre moi-même ?

Les mois ont passé et jusqu’à maintenant, il n’y a que Daniel avec qui je puisse parler.

Je ne pose plus le même regard sur les choses, c’est un peu comme si mon centre de gravité s’était déplacé. Il y a tellement de petits plaisirs qui ne m’atteignaient pas et que je découvre.

Avec Daniel, tout devient possible, il est là, présent. Je sens qu’il n’est plus vraiment comme avant, mais c’est à peine perceptible.

souvenir d'hervé - texte personnel - Françoise Robin

Et puis, il y a les autres, tous les autres. Je ne leur en veux pas, mais c’est tellement difficile de supporter leur regard… Il y a aussi ceux que je ne vois plus… qui se sont volatilisés de mon horizon comme les oiseaux qui ont peur de l’épouvantail. Pourtant un épouvantail, ça ne peut pas faire grand mal.

Il y a mon père et ma mère. Bien sûr.

Mon père m’a regardé bien en face et il m’a dit : « Tu es ici chez toi et rien ne changera ». Seul un de ses sourcils a sautillé à plusieurs reprises… Il m’a demandé une cigarette : cela faisait deux ans qu’il avait arrêté de fumer.

Je n’osais pas regarder ma mère, elle était recroquevillée dans le coin du canapé. Tout son corps tremblait. Je lui ai pris la main, elle a sangloté et depuis j’ai l’impression qu’elle n’a pas cessé de pleurer.

C’est mon père qui a parlé à ma sœur, je n’en pouvais plus d’avoir à annoncer la nouvelle qui détruisait une partie de leur petit monde.

Elle m’a téléphoné, m’a invité à dîner. Nous avons passé la soirée à dérouler comme un film tous nos souvenirs d’enfance. Je crois que nous avions besoin de nous prouver à l’un et à l’autre que tout cela avait existé et que rien ne pourrait l’effacer. Cette soirée a été pour moi, la première qui prenait du sens : je pouvais enfin réinscrire des images sur mon écran géant.

à suivre >
La dernière partie, bientôt en ligne