Échappée Virtuelle – Thierry
Paradoxe et vertu d’un confinement

Ce texte s’inscrit dans le projet “Échappée virtuelle“, Thierry est la seconde personne à témoigner.
À noter : ce témoignage a été publié après relecture et accord de Thierry.

À la suite du témoignage, vous lirez le texte rédigé par Thierry sur le “post-confinement”.

Thierry est un homme pressé.

Levé tôt – Couché tard.
Thierry a un rythme de vie effréné.
Une course journalière entre le Grau-du-Roi et Montpellier.
Au Grau-du-Roi, Thierry profite de l’immensité de la mer.
À Montpellier, Thierry dirige, anime, organise le travail de 6 collaborateurs.
Il écoute, il échange, il conseille.
Des projets, des actions, des objectifs.
Des réunions, des déjeuners de travail, des rendez-vous, des afterworks…
Thierry est entouré, jamais seul.
Pas vraiment le temps de souffler.
Préserver l’heure hebdomadaire de yoga et celle de natation. Un challenge.
Le week-end, c’est repos. Ne rien faire, laisser les heures s’égrener.
Marcher le long du rivage. Attacher son regard sur l’horizon. Se ressourcer.
48 heures dont le but premier semble d’être prêt à reprendre le rythme soutenu de la semaine qui s’annonce.

Thierry est un homme décontenancé.

Cette course folle s’arrête d’un coup, le 17 mars.
Plus d’aller-retour, plus de contact direct.
Le temps est comme suspendu.
Organiser le télétravail.
Rester un leader pour une équipe à distance.
Créer une autre forme de management.
Redéfinir les codes de la confiance mutuelle.
Rien ne change. Rien n’est pareil.
La relation au temps perçu comme « vide ».
Et pourtant, des journées tout de même très occupées.
Un temps qui pousse à l’introspection, voulue ou non.
Ce retour sur soi, résistance et résilience.
Il y a la peur aussi. Ne pas sortir. Se protéger.
De quoi ? Du virus ? Des autres ?
Il y a la distance dont les contours sont indéfinissables…
La solitude imposée, un paradoxe face à l’interconnexion constante.
Cette dématérialisation des relations transforme notre perception.
L’information en continu, fabriquée, déconstruite, floue, indéterminée et anxiogène.
Perte de repères.
Même la maladie est tenue à distance.
Seul un compteur chaque soir annonce un chiffre, celui des morts du Covid.
Plus 400, plus 500, plus 600, les malades sont réduits à des chiffres.
C’est une version statistique d’une société malade.
Et le confinement nous éloigne des uns, des autres ; change notre rapport à la vie, nous oblige à éprouver notre finitude.

Thierry est un homme introspecté.

Des questions creusent leur sillon.
Changer de métier ?
Trouver un autre rythme.
Donner une place de choix à la relation avec ses proches.
Chaque jour, Thierry prend des nouvelles de ses parents éloignés.
Une nouveauté. Une conversation banale, mais qui fait sens.
Se sentir proche malgré la distance, être rassuré aussi.
Les jours passent, les habitudes reviennent. Différentes.
Le plaisir d’un petit-déjeuner en tête à tête qui se prolonge.
Le temps de lire, les journaux, un livre oublié.
Le confinement nous offre du temps.
Une opportunité ?

Thierry est un homme questionné

Que va être demain ?
Le déconfinement, que va-t-il transformer ?
Thierry pressent que cela va être différent d’avant.
Mais, différent en quoi ?
Dans les relations professionnelles ?
Dans les relations personnelles ?
Avec soi-même ?
Aucun pronostic, incertitude.
Apprendre le déconfinement. Quitter son îlot.
Thierry oscille entre un avenir à réinventer et le désir d’un retour à la vraie vie.
Reste à la définir.

Se laisser happer à nouveau par un rythme débridé.
Tirer avantage de l’expérience à huis clos et redéfinir les priorités.

Le 11 mai 2020, date du déconfinement, j’ai proposé à Thierry d’écrire un texte “écho” à son témoignage. Le voici.

Sortie de confinement… retour à la vraie vie ?

À la sortie du tunnel, étrangement il y avait de la lumière… mais pas grand monde dans la rue, je n’ai croisé que des sourires masqués et inquiets.

Le réveil a repris du service avec son tictac infernal qui fait sursauter dans le lit. Les matinées d’avant d’arriver au travail sont rythmées de façon quasi militaire. Chaque minute compte entre le café, la tartine, la douche et le dentifrice. Mieux vaut éviter le désordre, car le café au dentifrice, je ne le recommande pas.

Pas grave si je ne rentre plus dans mon pantalon, oh confinement que tu es gourmand… la plage attendra et les bouées sur les hanches seront peut-être (enfin !) cette année à la mode. On peut toujours rêver, rien ne l’interdit !

Bref, le retour à la « vraie vie » est compliqué ! Difficile d’oublier les vapeurs d’alcool, les restes de paradis perdus et les plaisirs partagés avec volupté. La vérité c’est que pendant deux mois de confinement, je n’ai pas cessé de travailler, de dormir, de rêver… et d’adopter un mode de vie proche de la soulographie exagérée. Qu’est-ce qu’on a eu de la chance de pouvoir en profiter finalement ! Tout le monde n’a pas eu cette chance !

Il me faut redéployer mes ailes, étirer mes muscles engourdis, retrouver les clefs de la voiture… Bref… la vraie vie reprend son cours… son rythme infernal… ces journées à rallonge, ces angoisses existentielles qui nous font croire à tort qu’on n’y arrivera pas alors qu’on y arrive toujours.

J’ai la force et la volonté d’y arriver et de redémarrer. Il me reste peu de temps. Quelques années. Quelques challenges avant d’aller bronzer sur une plage espagnole loin de la tourmente d’une vie agitée, dangereuse, mais tellement passionnante. À chacun son objectif !

J’aime retrouver les gens. J’aime revoir mes amis. J’aime retrouver mon équipe avec ses qualités et ses défauts. Tout simplement parce qu’on n’est rien sans l’autre.

La vérité, c’est qu’il n’y a pas de vraie vie ou de fausse vie… ou de semblant de vie. J’ai vécu confiné pendant deux mois en regardant au large ma prétendue vraie vie du quotidien de tous les instants.

J’ai compris que ce n’était pas la « vraie » vie, c’est juste une vie, un instant, un moment, une parenthèse, une illusion peut-être, un mirage…

La vie n’est pas extraordinaire… c’est ce que nous en faisons qui est extraordinaire.

Alors, je continue à vivre.